SaintéLyon / SaintExpress 2023 : Dans la nuit glaciale
69ème édition de la SaintéLyon, la doyenne des épreuves de course nature (ou « trail » même si elle n’est pas qualifiée ainsi), une édition de nouveau à la hauteur de sa légende.
Nous aurions pu avoir les pluies diluviennes tombées le jeudi et le vendredi mais c’est finalement le grand froid, la neige et le verglas qui marqueront cette 69ème édition.
Une nouvelle aventure pour nous deux avec chacun un défi de taille à relever : 45km / D+1060m sur la SaintExpress pour Ninnie et 78km / D+2200m pour moi sur le tracé complet de la SaintéLyon.
Nous nous étions quittés en fin de préparation pour cette SaintéLyon, une préparation très riche en enseignements, commençons donc par un petit bilan.
Les leçons de cette préparation
Je ne suis pas fait pour les programmes d’entraînement
Il faut connaître ses motivations et reconnaître ses limites lorsque l’on fait du sport. Je me suis volontairement imposé un programme d’entraînement pour 2 raisons simples : j’avais peur de la difficulté de cette épreuve et je n’avais pas de repère pour savoir comment préparer ce type d’épreuve, se tourner vers un programme clé en main était la réponse la plus simple.
La rigueur, la fréquence (5 séances par semaine), la charge, le côté mono discipline, rien ne m’a plu dans cet exercice. La seule gratification que j’en ai tiré c’est d’avoir été en mesure de ne pas lâcher et d’aller jusqu’au bout du programme, en respectant TOUTES les séances.
Enorme respect aux professionnels pour qui c’est le quotidien. Même si j’avais leur talent, je ne suis pas certain que je saurai accepter le sacrifice.
Mais cela m’a permis de pouvoir mesurer le résultat d’un tel programme sur la performance sportive.
Mon entraînement est « light »
Certes, j’avais opté pour un programme corsé dit d’expert, mais le volume et l’intensité des entraînements m’a vraiment surpris. 375km de course à pied en 7 semaines (sans compter la SaintéLyon) à raison de 5 séances par semaine, c’est beaucoup. C’est même un tiers de mon volume d’entraînement annuel en course à pied.
En revanche, le programme est bien fait. Autant j’ai souffert pendant certaines séances, autant la charge était adaptée. Aucune sensation de fatigue accrue malgré des semaines avec des kilométrages totalement nouveaux et élevés pour moi : jusqu’à 90km hebdo !
Courir lentement pour courir longtemps
Etant plutôt habitué aux courtes distances que ce soit en trail ou en triathlon, je suis plutôt confronté à l’épreuve de l’intensité. Là, il fallait repartir de zéro, et en 6 semaines, tenter d’acquérir de l’expérience sur des zones d’intensité plus faibles.
Bien entendu, je savais que ce temps court ne me permettrait pas d’être prêt à 100%, mais j’ai tout de même beaucoup appris.
Sans intensité, le corps te remercie
J’ai constaté à quel point, les microlésions musculaires étaient moindres dès l’instant où l’intensité diminue. Peu ou pas de courbatures, une facilité pour enchaîner les séances.
J’ai quand même eu une belle frayeur à 15 jours de la SaintéLyon. Une énorme douleur dans l’ischio. Mais tout indiquait que l’ischio n’avait rien puisque j’étais capable de faire mes séances comme d’habitude.
Après quelques échanges avec mon kiné, celui-ci me rassurera en me disant qu’il s’agissait certainement d’une douleur déportée et non d’une blessure naissante. Et 10 jours après, je n’avais plus rien.
SaintéLyon : les préparatifs d’avant-course
Ca commence dès le vendredi pour récupérer le dossard-chasuble à la Halle Tony Garnier et ressentir l’ambiance de la course.
Petit tour également au salon du trail avec de nombreux exposants, on sent que derrière l’engouement autour de cette discipline, il y a un gros business où chacun veut sa part du gâteau : équipementiers textiles, chaussures, nutrition, accessoires…
Un premier cadeau pour les participants, une paire de chausette BV Sport à la gloire de la SaintéLyon, avant le cadeau du finisher qu’il faudra mériter et aller chercher.
Il faut également penser aux aspects logistiques. D’abord récupérer son ticket de navette que l’on a payé d’avance pour être transporté en bus de Lyon à Saint-Etienne.
UMTB Index et SaintéLyon : on vous dit tout
Et puis j’ai eu droit à un petit coup de pression de l’organisation puisque j’avais reçu ce mail quelques jours auparavant.
Quelques explications s’imposent.
Sur la base des courses auxquelles vous avez participé, si celles-ci sont comptabilisés à l’UTMB Index, un outil d’évaluation international de vos performances sur les courses de trail, cela vous donne votre propre UTMB Index.
Bien entendu votre index personnel est mouvant puisqu’il est réévalué en continu sur la base de vos 5 meilleures performances réalisées au cours des 36 derniers mois si j’ai bien compris. Pour les plus curieux rendez-vous directement sur le lien suivant pour en apprendre plus : https://utmb.world/fr/utmb-index/info
Sur la SaintéLyon 2023, il y avait 2 SAS « privilège » : le sas « ELITES » et le sas « PERF ». Pour l’accès au premier, votre UTMB Index devait être supérieur à 750 chez les hommes. Pour le sas « PERF », l’UTMB Index requis pour les hommes était de 620.
Mon UTMB Index actuel étant de 629, obtenu grâce à ma participation à quelques trails dans le Beaujolais, j’ai eu le droit au sésame !
Et je dois dire que j’en étais ravi pour 1 point essentiel : éviter les embouteillages ! Oui car par privilège, on entend faire partie des 2 premières vagues de coureurs qui s’élanceront en premier. Et comme je souhaitais me défier niveau chrono, il valait mieux être dans les meilleures conditions.
Voilà pour la petite anecdote que je me suis bien gardé d’évoquer avant la course pour ne pas me mettre une pression inutile.
Il restait donc une dernière nuit qui est généralement mauvaise. Moi j’ai été trahi toute la semaine par mon inconscient. Je me sentais détendu mais ce n’est pas comme cela que ça se passait vu de l’intérieur. J’ai dormi en moyenne 5h par nuit la dernière semaine. Quand on parle de bien se reposer avant une compétition, je n’étais pas dans les clous.
JOUR J : L’impatience et l’excitation sont à leur maximum
Le samedi est réservé aux préparatifs de course, tenue, matériel et nutrition : ne rien oublier, ne rien négliger.
J’ai mis l’accent sur la variété de mon alimentation. D’un côté sur ce que j’ai pris avec moi, et le complément de diversité que j’irai chercher sur les ravitaillements officiels de la course. Côté fréquence, essayer de boire toutes les 10 minutes, et s’alimenter toutes les 30 minutes.
Fidèle au régime dissocié modifié de J-6 à J-1, celui que j’applique uniquement sur des courses de longue distance. Pour le dernier repas, des pâtes accompagnées de blanc de poulet et complété par mon fidèle gâteau énergétique maison
16h30, départ pour la capitale des Gaules.
L’arrivée dans le quartier de Gerland est une première source d’énervement. La gestion des parkings pour les participants est déplorable, jamais je n’arriverai à les trouver. Heureusement, je connais le quartier puisque j’y bosse. Après avoir bouchonné 45 minutes, je finis par me réfugier sur le parking relais TCL.
Heureusement, tout se passe mieux pour les navettes. Malgré 300-400 concurrents devant moi, nous mettons environ un quart d’heure pour accéder à un bus.
Ninnie n’en dira pas autant de son côté. Les départs des navettes pour la SaintExpress, SaintéSprint et Saintétic ont été une catastrophe. Ninnie et Béa ont poireauté 1h dans le froid pour finalement arriver sur le lieu du départ à Sainte-Catherine à 23h15 soit 15 minutes après le départ de la course. Le départ de la course a fini par être décalé en raison de cet incident.
SaintéLyon : parc Expo de Saint-Etienne, lieu du départ
A 19h30, nous arrivons au parc des expositions de Saint-Etienne, l’attente sera longue. Ca ressemble à une grosse colonie de vacances ou à un énorme camping. Tout le monde se trouve une petite place pour patienter tranquillement, se reposer, dormir un peu. Je note deux choses : d’abord il fait bon, le chauffage fonctionne bien, l’attente sera donc agréable.
Et l’autre point qui me frappe, c’est le calme. La sono et les speakers sont à fond mais côté participants, ce n’est pas très bavard. Angoisse, stress ou concentration…
Après une pause technique impérative, je m’installe à mon tour. Certes, je n’ai pas l’expérience des habitués, équipés de matelas et de sac de couchage. Un sol béton fera l’affaire pour m’allonger, mon sac fera l’oreiller. Je ne vais pas dormir pendant cette attente mais je vais vraiment réussir à bien me détendre et c’est plaisant.
22h, même si les sas ouvrent à 22h45, je constate déjà l’agitation s’emparer tout autour de moi. Tout le monde est déjà en mode préparation, donc je me fonds dans la masse. Dépôt du sac à la consigne, ultime pause technique et à 22h30 j’accède au sas « PERF » comme prévu.
J’espère secrètement qu’on nous laissera au chaud jusqu’à 23h20, mais non, à 23h je suis positionné à 50m de l’arche de départ et nous allons devoir patienter 30 minutes dans le froid. Heureusement, la chaleur humaine fait son travail et je ne ressens pas vraiment le froid et les -6°C.
A 23h25, la magie des drones est en marche. Un spectacle à la gloire de la SaintéLyon orchestré par 300 drones en mouvement. Rien que pour cela, ça valait le coup de venir !
Et puis voilà, à 23h40, le départ est imminent. Se remettre dans la tête les derniers automatismes : partir lentement, ne pas se faire emballer par la meute, boire et s’alimenter régulièrement, être vigilant.
Mais avant cela, un petit mot sur les objectifs et la stratégie de course.
SaintéLyon 2023 : Objectifs et stratégie
La SaintéLyon 2023 était la seule course de la saison que j’avais positionné en objectif sportif, c’est à dire avec un objectif de chrono.
Comme souvent, je ne suis pas un escroc mais j’ai toujours quelques objectifs cachés que je garde pour moi pour ne pas me mettre une pression de dingue.
J’avais communiqué les objectifs réalistes et raisonnables pour une 1ère participation à un trail longue distance : terminer la course avant tout autre chose, et côté chrono un premier objectif à 9h.
Parlons donc de ces objectifs secrets.
D’abord, il y avait l’estimation fournie pour l’application Livetrail sur la base de mon UTMB Index : 8h08
Mon objectif à moi était légèrement plus ambitieux, basé sur mon ressenti au cours de cette préparation. L’idée était de réaliser le parcours à 10km/h, soit 7h48.
Voici les temps de passage que je m’étais fixé :
- Saint Christophe en Jarez : 1h49
- Sainte-Catherine : 3h21
- Le Camp-St Genou : 4h42
- Soucieu-en-Jarrest : 5h44
- Chaponost : 6h22
- Lyon : 7h48
Bien entendu, faire des estimations à partir d’aucune expérience et sans connaître les conditions climatiques de la course était un peu hasardeux.
Restait donc plus qu’à le faire !
Côté stratégie de course, un seul mot d’ordre : l’économie. Courir à l’économie le plus longtemps possible. J’avais remarqué sur la base des résultats de la SaintéLyon 2022 que la plupart des concurrents partent plutôt vite et dans 90% des cas, leur rythme s’écroule sur les 20 derniers kilomètres alors que le profil de la course est le plus favorable (plutôt orienté D-).
Et puis bien entendu, la suite était une histoire de remontada pour grapiller des places au fur et à mesure que l’on se rapprochait de l’arrivée.
SaintéLyon 2023 : la course
Enfin, on va pouvoir la vivre cette course ! Bizarrement, même si courir n’est pas ma tasse de thé, jamais je n’avais autant attendu une course.
Mais je dois l’avouer, je suis devenu accroc à l’aventure et aux émotions. Et seules les épreuves qui nous font chercher loin dans l’effort peuvent offrir ce genre de sensations. C’est donc cela que j’avais envie de revivre plus que tout après l’Embrunman en 2022.
Nous sommes donc lâchés dans les grands artères stéphanoises à 23h40.
Les premières centaines de mètres sont compliquées, la densité de coureur est énorme. 7000 participants, même dans une grande ville, cela fait un peu de monde sur la route. Il faut être vigilant et respectueux à la fois des concurrents qui nous entourent. Tout se régule au bout de 200-300m et enfin la course va pouvoir réellement débuter.
Trouver son rythme, ne pas caler le sien sur ce qui se passe autour, c’est souvent le plus gros challenge. Forcer légèrement l’allure en prévision de l’arrivée dans les premiers chemins pour éviter la case embouteillage.
La première chose qui me frappe, c’est la masse de concurrents devant moi. J’étais pourtant à 50m de l’arche de départ grand maximum, mais j’ai l’impression de voir une foule devant moi. Ce n’est pas qu’une sensation. Après course, j’ai constaté qu’au 1er point de passage, après 1.4km, j’étais aux alentours de la 1700ème place. Je ne sais vraiment pas par où ils sont passés 😉
Première bifurcation en mode entonnoir au bout de 3.5km. Tout se passe très bien, sans aucun ralentissement, c’est une première confirmation, je devrais éviter les bouchons dans les sentiers. Merci le sas « PERF » !
La première partie de la course est connue pour être rapide, roulante comme ils aiment tous à le dire. Il est vrai que les montées sont brèves, les pourcentages modérés, ceci expliquant cela.
Côté froid, ça va, pour l’instant je le vis plutôt bien, la théorie des 3 couches fait bien son travail. La grosse difficulté sera de s’hydrater et de s’alimenter dans ces conditions.
En revanche, côté terrain, cela s’annonce rock and roll. Pour l’instant les sentiers sont plutôt secs et durs comme du béton, le peu de neige est sur les côtés mais nous avons vu des vidéos des concurrents de la LyonSaintéLyon et nous savons que nous allons vers la neige et le verglas.
Premier ravitaillement au bout de 19km à Saint Christophe en Jarrez. Je suis un peu en avance sur mon tableau de marche. Je passe en 1h45 contre 1h49 prévu. Première surprise que je n’avais pas imaginé, le ravitaillement est en extérieur. Ce n’est donc pas ici que nous allons pouvoir nous réchauffer.
Je prends le temps de remplir mes flasques. L’eau des bouteilles est hyper froide compte tenu des températures extérieures. Je mange un peu. Mais en à peine 3-4 minutes, j’ai déjà les effets du froid qui se font sentir. J’ai un mal de chien à renfiler les gants, je commence à avoir les doigts congelés.
En route pour Sainte Catherine
Je vais trainer cette sensation pendant de long kilomètres. Si bien qu’entre St Christophe en Jarrez et Sainte Catherine (2ème ravitaillement), je vais vraiment songer à abandonner. Je ne suis pas venu ici pour y laisser mes mains. Mes gants et mes doigts sont gelés, je ne les sens quasiment plus.
7-8 kilomètres avec ces sensations, c’est juste un enfer. Je n’ai plus le souvenir de comment, pourquoi et à quel moment cela passe mais je finis par retrouver un peu de sensibilité dans les doigts. Aux alentours de 3h du matin, il fait vraiment un froid de canard. Dès que je le peux, j’utilise mon tour de cou pour masquer au maximum mon visage. Les conditions sont vraiment rudes. On parlera de -12°C ressenti à ce moment de la nuit dans les hauteurs.
30km et j’ai déjà l’impression d’être fatigué comme si j’en avais fait 50, le froid fait vraiment des dégâts.
Kilomètre 34, second ravitaillement de Sainte Catherine. Avec ce qui vient de se passer, ni j’ai envie de passer du temps au froid, ni je me sens de retirer mes gants. Du coup, j’attrape ce que je peux histoire de m’alimenter un minimum et je pense que j’ai assez de boisson pour attendre le prochain ravitaillement.
Côté temps de passage, 3h19 pour 3h21, on est toujours dans les clous sur le plan de marche mais le matelas n’est pas épais.
En route pour le dernier tronçon difficile : direction Le Camp – St Genou
De Sainte-Catherine à St Genou, il s’agit du dernier tronçon difficile de la course en terme de dénivelé positif : 13.4km pour un D+450m.
Il faut continuer à s’économiser au maximum et espérer en avoir encore suffisamment dans les jambes à St Genou pour faire une belle fin de course.
Le froid est toujours présent, le terrain est gelé et très glissant par endroit. C’est une vigilance de chaque instant. Nous allons être largement ralenti à plusieurs reprises par la dangerosité du parcours.
A plusieurs reprises, et notamment dans 2 grosses descentes, dont notamment celle juste avant le ravitaillement de St Genou, le terrain se transforme en véritable patinoire et on ne compte plus les chutes. Même en piétinant sur le sol je me retrouve 3 fois à terre, sans avoir le temps de réagir. Heureusement, à chaque fois je m’en tire sans blessure.
Je ne sais pas combien sont partis aux urgences mais on entend régulièrement raisonner les sirènes des camions de pompiers et de la sécurité civile.
C’est à la fois stressant et frustrant. Le froid, le verglas, tout cela gâche vraiment le plaisir. Et à la longue ça use presque plus que l’effort en lui-même.
Bien entendu, toutes les montées se font en marchant pour économiser les forces.
Après avoir passé l’ultime patinoire, non sans mal, nous arrivons au ravitaillement de St Genou au kilomètre 47. Malheureusement, encore un ravitaillement dans le froid.
4h57 au chrono pour 4h42, les temps ont un peu décroché. Pas étonnant, pas mal de temps perdu dans les patinoires et le froid qui nous glace.
Ici, je dois faire le plein de mes flasques car sinon je cours à la catastrophe dans les prochains kilomètres.
De même, je dois faire au mieux pour m’alimenter un peu. Mais c’est vraiment difficile, on n’a pas vraiment envie de manger des bananes hyper froides et tout ce qui se présente à nous d’ailleurs. De même, je n’ai pas le courage d’aller chercher mes crêpes dans l’arrière du gilet. Idem, prendre un gel à cet instant aurait sans doute été judicieux pour donner un bon coup de boost.
En fait, je sais que je suis sciemment en train de me saboter, mais je suis transi de froid, seule la température de mon corps et de mes extrémités comptent à ce moment.
Direction Soucieu-en-Jarrest
Cap sur les tronçons moins compliqués. Les températures vont commencer alors à remonter légèrement à partir de 5h du matin. De même, nous avons passé les zones où le terrain était le plus difficile. Il reste encore ça et là quelques plaques de verglas mais nous ne sommes plus du tout sur la même échelle que dans les 2 précédents tronçons.
Un peu moins de 300m de dénivelé à gravir sur 11.5km, le terrain est davantage vallonné.
Malgré tout, le rythme n’est pas dingue, sans me rendre compte sur le coup, je dois commencer à vider les batteries. Forcément, pas de carburant, pas de jus.
Arrivés à Soucieu, c’est le premier ravitaillement en intérieur qui se présente. Et c’est probablement ici que je vais faire la plus grosse de mes erreurs. Ne jamais croire que du temps d’arrêt est du temps de perdu, surtout sur longue distance. Ici, j’aurai du prendre le soin de décrocher mon gilet, prendre les surgants, manger mes 2 crêpes, 1 gel et encore d’autres choses. Il aurait fallu s’arrêter non pas 4 mais 10 minutes. A coup sûr, les 6 minutes perdues je les aurais récupéré par la suite.
Mais avec un cerveau à moitié engourdi par le froid, difficile d’avoir ce niveau de réflexion sur l’instant. Car à 20km de l’arrivée, il restait suffisamment de route pour permettre à mon corps de trouver un nouveau souffle.
En route pour Chaponost
Voilà, je repars donc un peu précipitamment en direction de Chaponost, le dernier ravitaillement, 13km avant l’arrivée.
Pas grand chose à signaler sur ce tronçon, à part une moyenne de 10.2km/h pour seulement 100m de dénivelé positif, ce n’est pas extraordinaire, mais avec le dernier raidar placé au milieu 1km à D+77m, ce n’est pas si mal. Côté chrono, passage en 6h10 au lieu de 5h44, je décroche complètement de mon objectif.
Ce ravitaillement de Chaponost est vraiment horrible. C’est une espèce de verrue dans le parcours, il faut aller chercher le gymnase au bout d’une longue ligne droite en faux plat légèrement montant, ça casse le moral.
Encore un ravitaillement au chaud. Cette fois, même si je ne vais pas encore l’optimiser complètement, je pense que ce n’est pas là que cela s’est joué mais bien avant. Un peu de chocolat, du gruyère, un tuc, une tranche de jambon, remplissage de l’eau et on repart.
Le long chemin de croix vers la Halle Tony Garnier de Lyon Gerland
A la sortie, je sens presque tout de suite que je n’y suis plus. Même si heureusement, ça attaque par le faux plat qui est donc maintenant descendant, plus de jus dans les jambes.
Et je vais clairement galérer jusqu’à l’arrivée. Un long chemin de croix, 13km sans aucun plaisir c’est dur. Sur le plat je peine à dépasser les 10km/h. Je sens mon corps vidé, encore plus que mes jambes, la preuve d’un corps laissé à l’abandon, mal alimenté.
Aucune lucidité pour tenter un gel de dernière minute.
Ma seule obsession, voir les kilomètres s’égrainer : 11, 10, 9, 8…
Les 2.5km de la fameuse montée des acqueducs à 6km de l’arrivée est tout simplement un enfer ! Pourtant, on sait que c’est le dernier effort, ensuite on pourra commencer à savourer le devoir accompli.
Reste à dérouler sur les 3 derniers kilomètres, mais je ne savoure même plus ce moment. Je suis hyper en colère. Je n’aime pas faire du sport dans la souffrance, ce n’est pas pour moi, je le dis souvent. J’aime quand je prends du plaisir.
Et là, rien de tout ça, juste l’envie d’en terminer, de me poser, de manger, de dormir.
Une petite auto-interview pour les copains, histoire de traduire tout ce mauvais ressenti, passage de la passerelle Raymond Barre et en route vers l’arche d’arrivée.
Je vois à peine Ninnie tellement je suis énervé.
Moi qui suit souvent dans l’émotion et les larmes à l’arrivée, là ce n’est pas vraiment le cas.
Pas qu’une partie de plaisir cette SaintéLyon !
SaintéLyon & SaintExpress 2023 – Résultats et classements
SaintExpress 2023 – 45km / D+1063m
Temps scratch : 7h46min35sec. Résultats complets ici
Scratch : 3135ème / 3328 finishers
Classement catégorie – M1-M2F : 148ème / 173
SaintéLyon 2023 – 78km / D+2215m
Temps scratch : 8h21min50sec. Résultats complets ici
Scratch : 290ème / 5949 finishers
Classement catégorie – M1-M2H : 50ème / 1352
SaintéLyon 2023 – Le Bilan
C’est un bilan mitigé. Certes l’épreuve a offert tout ce qui a fait son charme, sa réputation et sa légende.
Rude météo
Malheureusement, j’ai vraiment souffert du froid. Je n’ai pas complètement pu profiter de la fête. C’est compliqué des kilomètres et des kilomètres dans un froid aussi soutenu. Ce sentiment est d’ailleurs général, selon tout ce que l’on a pu entendre comme témoignages depuis le WE dernier.
Bizarrement, on a espéré le froid plutôt que la pluie. Et après avoir vécu ces températures, on se dit que la pluie aurait peut-être été une meilleure option.
Pas très agréable non plus de jouer les équilibristes en raison du verglas.
Une météo qui a également précipité ma chute : un nouvel échec cuisant pour le plan alimentation, même si je me suis laissé emporter dans ma chute. Vraiment je ne sais pas si j’y arriverai un jour ! La remontada a bien fonctionné jusqu’à 20km du but, puis j’ai lutté encore un peu avant d’exploser en plein vol à 13km de la fin.
Côté parcours, même si les chemins, sentiers et passages en sous-bois sont sympa, je suis déçu par la part de bitume, encore un peu trop importante pour moi.
L’angle sportif
Côté sportif, j’ai la déception de ne pas être passé sous la barre des 8h car je pense que j’en étais largement capable, mais sans doute pas dans ces conditions.
Revenons également sur cette phase de préparation, pour une fois, je vais me permettre d’y apporter quelques critiques. Je ne suis pas convaincu de l’intérêt des intensités des séances proposées par rapport à la typologie de la course. Si je compare avec ce que j’avais fait l’année dernière avant le marathon du Beaujolais, ce programme ne m’a pas apporté grand chose en terme de résultats.
Pour paraphraser Baptiste Chassagne, 3ème de la SaintéLyon, il faut savoir courir moyen-vite longtemps sur cette course. Je pense qu’il aurait été plus bénéfique de faire des séances à courir longtemps sur des rythmes 4min30sec-4min35sec sur terrain vallonné.
Bref, ce n’est pas encore pour tout de suite que l’on va convaincre un instinctif de passer aux programmes d’entraînement rigoureux 😉
Mais pour conclure sur une note positive, c’est quand même une belle 290ème place. Pour une première expérience sur une telle distance, quand on connaît mon goût pour la course à pied, déjà tenir le choc sans lassitude, c’est une belle victoire.
Et maintenant, break, chocolats, raclettes et foie gras !
Ca y est, c’est le moment de faire une pause avant de repartir en 2024 pour de nouveaux défis. Des rendez-vous sont déjà pris mais tout n’est pas défini, notamment ce que je vais choisir en triathlon (hormis Gérardmer pour lequel j’ai mon sésame !).
En attendant, je vais évaluer mon coup de fourchette, voir si je n’ai rien perdu !
P.S. : la patronne dort, je la mettrai à contribution demain pour ses impressions.
Ouais bien entre le plan d’entraînement… la distance et le climat j’hésite entre envie et répulsion. Mais clairement un poil plus de 8h et 290e t’as de quoi être fier de toi!