Trace des maquisards 2024 : sur les sentiers historiques
Encore amère d’une SaintéLyon 2023 vécue dans la nuit glaciale, je ne pouvais néanmoins me défiler. Ne pas accompagner Pierre sur la trace des maquisards 2024 aurait été dommage.
La parole vaut l’homme ou l’homme vaut rien. Même si j’avais laissé une possibilité de renoncer si cela ne se passait pas totalement bien sur la SaintéLyon, l’idée de pouvoir enfin vivre une aventure sportive en duo a été beaucoup plus forte.
C’est vrai, depuis toutes ces années j’ai la frustration de ne pouvoir partager cette passion du triathlon. Je ne pouvais donc pas louper une telle occasion, quand bien même c’était du trail.
Trace des maquisards 2024 : la préparation
Une préparation plutôt atypique. Une expérience nouvelle et inédite sur la SaintéLyon, avec une préparation la plus lourde jamais réalisée pour un retour sur investissement quasi nul. De ce fait, sans résultat probant et avec toujours un appétit débordant pour la course à pied ;-), l’option d’une formule light était retenue.
Pas de séance d’intensité, 1 ou 2 footing en semaine. A cela s’ajoute une sortie longue le WE avec du dénivelé pour compléter le tout.
Finalement, les virus ont eu raison de moi. Une grippe enchaînée par une bronchite, et c’est un programme encore plus light que j’ai réalisé. 110 petits kilomètres en 1 mois, contre 375km en 7 semaines lors de la SaintéLyon.
Du côté de mon compère, les doutes sur une hanche parfois capricieuse lui avaient également dicté un programme différent : des sorties ski et peu de course à pied.
Bref, nous étions au top de notre préparation pour affronter un petit footing de 100km et 4450m de dénivelé positif 🙂 Attention les Tamalou débarquent !
Trace des maquisards 2024 : le programme des festivités
Alors, nous ne sommes pas encore dans l’ultra trail quoi qu’il n’existe pas de définition très claire. Selon la classification UTMB, nous avons le 100K et le 100M. Soit 100 kilomètres ou 100 miles (160km), ou bien pour remettre ça en taille de t-shirt, le L et le XL.
101.2km très exactement et 4600m de D+ selon la montre Garmin de Pierre, soit la distance la plus longue jamais parcourue à ce jour. Les records sont faits pour être battus. Le précédent record de 78km réalisé sur la SaintéLyon devait donc tomber très vite, mais encore fallait-il aller au bout.
Les années passent, l’acrobate s’endurcit, je n’ai plus vraiment peur d’une épreuve, aussi difficile soit-elle. Pour autant, on respecte, on est sérieux. Et puis cette fois, j’y allais sans objectif de chrono, donc forcément ça permet d’être plus détendu.
Côté parcours, nous relierons 2 villes marquées par des actions fortes de la résistance : Ambérieu-en-Bugey et le sabotage de la gare ferroviaire, Oyonnax et le défilé du 11 novembre 1943. Une longue ballade dans le Bugey au gré de quelques sites historiques : la ferme de Marchat, stèle de la ferme des Gorges, le mémorial des maquis de l’Ain et de la résistance à Cerdon.
Voici donc pour le parcours de la trace des maquisards sous forme cartographique :
Et le même parcours mais cette fois son profil :
Trace des maquisards 2024 : La course
Seul petit bémol dans cette organisation parfaite, la nécessité de monter à Oyonnax pour récupérer son dossard. Nous faisons donc le chemin en début d’après midi puisque nous avons jusqu’à 15h pour récupérer le sésame.
Puis nous redescendons sur Ambérieu en Bugey pour le départ depuis le parvis de la gare.
De belles reconstitutions grâce aux bénévoles des associations présentes qui perpétuent le souvenir. Ne pas oublier que nos ancêtres ont payé cher notre liberté.
Nous attendons patiemment le départ de 17h. Même avec temps plutôt clément, le petit vent frais à Ambérieu en Bugey n’en demeure pas moins saisissant. Je suis toujours étonné de voir autant de coureurs partir en short (y compris Pierre). De mon côté, je suis beaucoup trop frileux pour cela.
Une animation saisissante au départ pour rappeler l’histoire, le chant des partisans résonne sur le parvis, c’est intense.
17h05 nous voici partis à l’assaut de la trace des maquisards en espérant ne rien lâcher comme nos ancêtres.
Nous sommes au fond de la classe, les premiers sentiers s’annoncent donc encombrés. Mais il vaut mieux partir prudemment.
Comme le montre la trace, nous rentrons assez vite dans le vif du sujet pour grimper les premières pentes. Les chemins sont praticables, pas très larges. Je ne suis pas un grand fan de certains passages au pied des falaises. J’ai toujours l’impression que nous allons nous prendre un rocher sur la tronche.
Bascule en haut de la première ascension au bout de 6.5km, tout va bien, le rythme est tranquille. Une première pause pour déposer un peu de fumier dans la nature, c’est important l’entretien des sols 🙂
Si tranquille que se produit le premier couac du jour. Dans une superbe envolée artistique à laquelle j’attribue un bon 9/10, mon Pierrot s’entrave dans une caillasse. Il se vautre de tout son corps. Une chute plutôt digne et maîtrisée. Heureusement, plus de frustration et d’énervement que de bobos, nous étions sur un sentier peu caillouteux.
Au moins c’est un bon avertissement. On sait que ce serait dommage d’abandonner sur blessure alors que nous avons échappé à cela pendant la préparation.
Descente vers Saint-Rambert-en-Bugey puis il faut repartir pour une 2ème ascension de 5km plutôt rude. Le brouillard commence à s’inviter, la visibilité est de plus en plus réduite, la nuit s’installe progressivement.
Seconde descente pour rejoindre le premier ravitaillement d’Oncieu au km21.
Décidément, nous ne sommes pas vernis. Rebelotte dans cette 2ème descente, Pierre chute de nouveau au KM17 mais cette fois avec un peu moins de maîtrise. Sur le coup, j’ai l’impression que tout roule mais finalement ce n’est pas le cas. La cheville droite s’est dérobée et a souffert.
Je ne m’en aperçois pas tout de suite car Pierre semble repartir normalement. Mais dans les kilomètres qui suivent nous comprendrons qu’il ne s’agit pas que d’un simple aléa de course banal.
Premier ravitaillement à l’Auberge d’Oncieu, l’heure d’alimenter un peu la machine, j’oublie d’ailleurs de remplir correctement les flasques. Il s’agit d’un ravitaillement en extérieur et la température du corps retombe vite, je suggère que nous repartions avant de prendre froid.
La cheville de Pierre a légèrement enflé, il faudra surveiller cela de près dans les kilomètres à venir. Mais il faut bien dire que ce n’est pas trop rassurant.
Premier objectif de la nuit, rallier le point de passage de Corlier au km38 et la barrière horaire de minuit. Ce sera ici le premier gros ravitaillement de la trace des maquisards : liquide, solide et au chaud, de quoi reprendre des forces si capitales pour la longue distance.
Il faut d’abord endurer la terrible montée vers Evosges. Les frontales que l’on voit dessiner la trace dans la montagne sont révélatrices, ça grimpe fort !
Ca tire la langue et ça sert les dents pour Pierre. Je sens bien qu’il n’est pas au mieux et que la cheville le perturbe, ce qui est tout à fait compréhensible.
Au km30, passage du premier point de reconstitution historique de la trace des maquisards. Nous sommes accueillis par un maquisard en tenue qui nous guide vers la ferme de Marchat. Superbe, costumes d’époque, caisse de matériel également, feu de cheminée, potée offerte aux coureurs qui le souhaitent, chapeau !
Nous n’allons pas être très large sur la barrière horaire. J’arrive au ravitaillement de Corlier en éclaireur avec une dizaine de minutes d’avance sur Pierre. Je l’ai laissé avancer à son rythme. En courant un peu, j’en profite pour contrer l’ennui, pas d’être avec Pierre mais de la longueur de la course.
Pierre arrive à 23h43, ce qui lui laisse le temps de manger correctement et d’aller montrer sa cheville au poste de secours.
Finalement, il décide juste de faire nettoyer les plaies au niveau des genoux et des mains. Un peu surprenant, mais seul lui ressent ce qui est bon pour lui.
23h57, il nous faut quitter Corlier car les organisateurs ont bien précisé qu’il n’accorderont pas de délai supplémentaire. Nous passons la point de contrôle puis nous nous posons quelques minutes à l’extérieur, le temps que Pierre finisse son ravito et enfile les jambières pour la suite de la nuit.
Maintenant, nous connaissons le prochain challenge : la prochaine barrière horaire au km58 à Maillat très exactement. Nous avons donc un peu moins de 4h pour effectuer 20km. En temps normal, on trouverait cela large. Mais entre terrains accidentés et cheville du Pierrot pas très en forme, nous savons qu’il ne faut pas prendre cette barrière à la légère.
Pierre pense qu’il va aller jusqu’au prochain point de contrôle et qu’il abandonnera à Maillat.
Sur les premiers kilomètres, notre allure n’est pas extraordinaire mais nous sommes dans les temps, autour de 5.6km/h, nous prenons même un petit matelas d’avance sur le timing.
KM45, se dresse le spectaculaire site du Mémorial des maquis de l’Ain. Pour l’événement, éclairé d’un bleu/blanc/rouge flamboyant, on en prend plein les yeux, vraiment très impressionnant ! « Où je meurs renait la patrie », le slogan inscrit en gros sur le mémorial.
Même si le timing est serré, on profite quand même du site, on sort les smartphones pour prendre quelques photos.
Encore 13km, 2h45 pour rejoindre le km58, soit une allure de 4.7km/h à maintenir.
On repart pour 3.8km d’ascension avant une nouvelle descente.
Dans la dernière ascension avant le point de contrôle du km58, à 2.5km du sommet, je décide tout de même, compte tenu de l’incertitude, d’assurer la barrière horaire et de partir à l’avant en espérant que Pierre puisse me rejoindre avant 4h. Normalement il n’y a pas de problème, nous sommes bien dans les temps. Je discute avec des concurrents que j’ai rejoint, nous devrions être au point de contrôle aux alentours de 3h30.
Mais je déchante en haut de la bosse. En bas, nous voyons le village de Maillat illuminé mais devant nous c’est un chantier impressionnant. Les organisateurs ont tracé la parcours au milieu d’une forêt d’arbres abattus, quasiment en ligne droite ou au mieux en gros dévers.
Pour se représenter, après course j’ai vérifié, et en fait ce passage ne faisait qu’1 kilomètre pour un dénivelé négatif de plus de 200m, soit 20% de pente. Par moment, c’était même 30% de pente. Bref, instabilité du sol, branchages, il faut s’attraper à tout ce qui dépasse pour ne pas se laisser emporter.
Si bien que je vais mettre près de 15 minutes pour arriver en bas. A l’arrivée à Maillat à la barrière horaire il est déjà 3h43.
Et là, je suis vraiment très très inquiet, voir je ne crois plus vraiment au fait que Pierre puisse arriver avant 4h. Cette éventualité, je ne l’avais pas du tout envisagée même si on avait évoqué un abandon au précédent point de contrôle.
Pour le moment, je profite du ravitaillement d’autant que j’étais un peu juste en eau sur les derniers kilomètres. On sent la tension de la barrière horaire. J’attends mais je ne vois pas beaucoup de concurrents débarquer sous le chapiteau. A 7 minutes de la fin, un concurrent arrive, plus du tout lucide, à la limite du malaise, on l’invite aussitôt à s’asseoir. Visiblement il est allé aux limites pour franchir la barrière horaire.
C’est une expérience vraiment nouvelle, intéressante et enrichissante pour moi. On échange, on partage notre ressenti, on voit les petits et les gros bobos, les doutes, les inquiétudes.
Moins de 5 minutes de la fin, je sors du chapiteau pour valider mon passage et guette désespérément l’arrivée de Pierre. A moins de 3 minutes de la fin alors que j’avais commencé à comprendre que j’allais devoir débuter une autre course, un marathon de 42km tout seul , je vois débarquer l’ovni Pierre !
Alors là, je ne vois pas comment il a pu passer cette descente. Je pensais même qu’il resterait bloqué en haut. Comment tu fais pour passer une descente pareil avec une entorse à la cheville ! Le gars c’est un monstre !
Et là, les cartes sont redistribuées. Tu parles bien que le Pierrot, l’abandon il n’en parle plus, maintenant c’est en route vers le béret ! Et désormais, on est large ! Nous avons 5 heures pour parcourir les 14 prochains kilomètres et passer le prochain point de contrôle de Nantua au KM72 avant 9h. Une allure qui correspond à une marche lente à très lente, donc 0 crainte.
Sur cette seconde partie du parcours, nous allons goûter au terrain bien gras. Des passages avec un bon dix centimètres de boue bien collante. Parfois tu te demandes même si la chaussure ne va pas rester collée au sol. Finalement, il n’y a que Pierre qui apprécie ce terrain car c’est là qu’il a le moins mal aux rotules et à la cheville. Oui petite précision, avec la compensation liée à l’entorse de la cheville, c’est maintenant les rotules qui sont douloureuses.
Les 14 kilomètres sont avalés en 3h20, ce qui nous fait arriver à Nantua juste avant le lever du soleil.
Un bon ravitaillement, des pâtes dans un bouillon chaud, du jambon, du fromage, du pain, aujourd’hui je suis team salé ! J’ai emporté surtout des compléments dans le gilet, j’ai misé sur les ravitos de la course pour mon alimentation principale. Comme à chaque ravito, on n’oublie pas de faire le plein des flasques.
Je rencontre même un gars encore plus malchanceux que Pierre. Lui, c’est au 5ème km qu’il s’est fait une entorse. Sa cheville fait le double de l’autre mais visiblement cela ne lui fait pas mal. Je me demande encore ce que ça donne après course.
On repart pour une aventure beaucoup plus agréable car nous allons avoir la chance de découvrir la suite du parcours de jour. Enfin, nous pouvons apprécier l’environnement dans lequel nous évoluons. De beaux paysages malgré un épais manteau nuageux qui nous cache le décor de la vallée. Des passages en forêt avec de la mousse verte très vive, presque fluo.
Direction le kilomètre 92 et lac Genin. Et cette portion est très longue. Plus de 5h pour venir à bout des 20km qui nous sépare du lac. Et sur la fin, je suis pris d’une obsession. J’ai très faim, je ne pense qu’à ça, c’est un truc de malade. Du coup, je ne peux m’empêcher de m’échapper.
Enfin le lac Genin pointe son nez, et je fais une véritable razzia sur le ravitaillement. Les bénévoles ont dû me prendre pour un sauvage. Je mange encore et encore.
Pierre arrive également quelques minutes après et nous retrouvons les concurrents avec lesquels nous progressons à peu près à la même allure depuis Nantua.
Le plus gros est maintenant fait, ça sent bon la fin il reste 9,2km encore une dernière côte à franchir à la sortie du lac et ensuite ce sera la longue descente vers Oyonnax. Petite photo au bord du lac pour immortaliser notre passage et nous voilà partis pour une randonnée de 9.2km. Il n’est plus question de courir maintenant, ça fait bien longtemps qu’on ne s’occupe plus du chrono, seules les barrières horaires nous y ont fait penser.
Et voilà, une dernière traversée de 2km dans Oyonnax et nous arrivons à Valexpo où nous attendent Blandine, Julia, Camille et Léna.
Quelle aventure, j’en voulais une, je crois que nous avons eu notre dose de difficultés, d’émotions, de doutes et au final de soulagement !
Le béret est sur nos têtes, la trace des maquisards 2024, elle est pour nous !
La trace des maquisards 2024 – Résultats et classements
Temps scratch : 21h26min57sec. Résultats complets ici
Scratch : 257ème & 258ème / 277 finishers (72 DNF/abandons)
Classement catégorie – M2H : 35ème & 36ème / 38
La trace des maquisards 2024 – Le bilan
Deuxième tentative de suite sur un format long. Cette fois en mode duo avec des conditions climatiques très clémentes.
Je pensais que le côté aventure pouvait prendre le dessus sur la lassitude de la course à pied. J’avais dans un coin de ma tête le format des 100 miles et je me disais que si ça passait bien, pourquoi pas aller tenter la distance reine à l’occasion.
Je ne dis plus « jamais », mais la conclusion est sans appel : je ne vivrai pas une histoire d’amour et de passion avec la course comme c’est le cas depuis 11ans avec le triathlon. Pourtant, je teste, j’y mets du mien mais vraiment, la course à pied, c’est vraiment un truc qui ne résonne pas en moi. Pourtant avec l’ultra distance et le trail, j’avais de bons espoirs.
Je crois qu’à part un défi comme la Diagonale des fous où je pourrais jouer le combo aventure et vacances, j’ai réellement très peu de chance de vivre un jour cette expérience.
Pierre est lui déjà au taquet pour rempiler sur la trace 2025, et surtout la vivre dans de bonnes conditions physiques.
6 semaines de repos préconisées par le médecin présent à l’arrivée, je ne m’attendais pas à un tel bilan. Fin anticipée de la saison de ski pour lui, mais bon il ne reste bientôt plus que des cailloux…
Enorme courage et énorme mental le Pierrot, y’a pas à dire, compte tenu de la technicité du parcours, de l’état du terrain, c’est une véritable prouesse qu’il a réalisé. Et bonne convalescence l’ami, ce sera long !
Et bien, beau récit.
Et je n’aurai qu’un mot : MERCI à toi mon ami.
Ah oui, merci aux filles aussi 😉
Vous êtes des grands malades….. mais vraiment, je vous admire! En plus le Pierrot sur une patte, mais le bonhomme c’est un gros mental! Pour ton challenge vacances-aventure, je peux te proposer les 100 Miles du Chicamocha Canyon Race 😉